L’épouvantail

Je n’suis pas dans les batailles, j’suis pas non plus aux fiançailles, je suis l’homme épouvantail, celui qui chante, qu’est fait de paille… Celui qu’est chiant et qui rigole, qui fait toujours le guignol, ces mots s’échappent et puis s’envolent, il court après les feuilles folles. Il court après toutes ses années, ses souvenirs, ses fleurs fanées, le temps qui nous a traversé, qui court toujours, j’le vois passer… Il est là, au milieu des bêtes, il court, il chante, il fait la fête, lui qui consume les cigarettes et que jamais rien n’arrête… Autour de moi ivre profond, il tourbillonne, il fait des ronds, on est là comme deux cons… Viens… On rentre à la maison.

L’hiver approche et dans sa main, tenant un morceau de mon sein, voudrait m’offrir un bout du sien, que j’le grignote comme un chien… Il souffle un parfum que j’aimais, celui des amours enlacés, ceux qui deviennent divinités et pour qui on tuerait. J’en ai plein mes insomnies, des p’tits wagons, des colonies, ils voyagent dans la nuit comme l’amour qui s’est enfuit dans les couloirs de ma mémoire, dans la fumée de mes pétards… C’est un pays où il fait noir, où il ne fait que pleuvoir… Où les tapis se rallongent, où je m’endors, où je m’allonge, une mer où je me plonge dans la douleur qui me ronge… Dans les tapis les rideaux, tel un marin en bateau, Capitaine que j’suis beau ! Dans cet habit ce manteau… Chut… Plus un bruit un murmure ! Et contemplez mes voilures ! Toutes rouges ces couvertures, je suis trop bien dans mon armure ! Et je souris comme un con ! Je tourbillonne ! Je fais des ronds ! Autour de moi ivre profond… Sur le parquet de ma maison…