Bien sûr il t’a fait peur, celui qui voulait sauter du Train Bleu. Celui qui trainait sa vie comme une serpillère sur le carrelage dégeu. Comme un bagage encombrant au cuir fatigué. Du genre qui pèse des tonnes, tu sais. Du genre frigo tout pourri ou canapé destroy, qu’on laisse sur le pavé un Dimanche. Pour que les « Monstres » viennent le chercher. Ils sont venus, les Monstres. Ne laissant que le vieil homme et l’amer. Sans compagnie. Avec pour seule envie de s’envoyer en l’air. Bien sûr tu as perdu les mots. Le temps d’un haut le coeur. Le temps d’un refrain.
♪ « Sometimes it pushes you, pushes you down » ♪ Souris, putain. Montre-lui comme t’es belle. Sans fard. ♪ « Like birds in the storm » ♪ Bien sûr tu as perdu la face. Ta face de précaire occasionnel à la moue dissymétrique. Jusqu’à c’qu’il mendie une pièce, ton misérable. Pour acheter des bombecs, qu’il a dit. Comment lui refuser l’obole ? Candy Crush à la mode ferrovière. Ca avait presque de la gueule. La gueule d’un vieillard édenté mâchouillant des crocodiles, avec dans les yeux une ultime trace de l’espoir enfantin, annihilé par l’expérience, qu’en détournant le regard on pouvait devenir invisible.
Bien sûr il t’a fait peur. Comme on fait fuir ceux qui s’en viennent. (Ceux qui sans Vienne . . .) Bien sûr il t’a fait peine. Capitale. ♪ « Capitaliste que dalle » ♪ Alors tailler la route jusqu’à la grande verrière. Hall n°2. Sous la lune un peu de lumière. Seoir son séant sur le tout synthétique. Avachir son colon au supplice amnésique.
Bien sûr il t’a fait peur, mais ceux-là t’ont fait rire. Celui qui pionçait la tête à l’envers. Qui ponçait des lattes imaginaires de ses cheveux hirsutes. Celui qui pédalait tout son soûl pour oublier l’Absenthe. Et cet autre qui jouait du piano-forte, comme un chat gris sur un Steinway. Même celui-là qui. Disséminait sa poudre aux vertus émollientes . . .
*
– La vie en rose Mademoiselle, tiens.
– Elle est de quelle couleur ta vie à toi, hein ? Vert-de-Gris ?
– Moi ? Je suis blanc. Avant j’étais invisible, tu comprends.
Maintenant il neige dans la salle d’attente. « Blanc comme neige » Mademoiselle, tu comprends ? Le rose c’est pour les filles. Mais « Vert-de-Gris » c’est pour qui ?
– « Vert-de-Gris » c’est pour les statues de cuivre, enfiellées de temps qui passe . . .
Bon aussi pour les serial lovelaces. ♪ « Et sur sa tombe il sema du persil » ♪
Toi t’es blanc comme nuit, j’ai bien compris. But why?
*
Du sucre. Le gars dealait du sucre !
Du sucre en gros morceaux écrasés à la barbare dans des ziplocs de contrebande !
Paris. Gare de Lyon, 00h00. J’ai une discussion métaphysique avec un dealer de sucre en poudre. Où commence l’absurde ? « Là où s’arrête l’arrogance. » Je (Mésaise et insolent) remâchait à voix haute et sans ambages. Bergson m’a entendu. En vrai « Bergson » s’appelle Chedid. Je lui raconte « L’Autre ». Il me raconte ses nuits. Saupoudrées de Beghin Say . . . No joke. Il ne supporte pas l’alcool. Qui anesthésie les chairs et le ciboulot. Le sucre le stimule. Donne du corps à ses rêveries diurnes. Il le récupère sur les tables cossues du Train Bleu. Ne lui manquent que des fraises, de son propre aveu . . .
« Aux mains vides » qu’elle disait. Les menottes pleines de ce qu’on a laissé… De pire et de mieux.
Alors, regarder avec lui le dernier train se remplir. Se remplir de ceux-là qui. Les mains pleines de vide, pleines de sacs, pleines de bouffe, pleines de technologie. Pleines de suffisance, aussi. Ceux-là qui manquent de l’essentiel. Se remplir de ceux-là. Les sans ciel.