Pour inaugurer cette catégorie, il paraît assez légitime à Méduse de commencer par son Poète, celui qui s’est souvenu de son petit nom. Une vanne de gosses érigée 20 ans plus tard comme un défi !
L’histoire commence avec son père, Hades. A la crise de la quarantaine, il a abouti le putch de Céto, divinité marine, voulant se délester du père de Méduse, Phorcys. Les Dieux, il faut croire, connaissent aussi des déboires lorsqu’il s’agit d’amour. Assez rapidement, Hades est venu s’installer au chateau. Il y invita son fils qu’il n’avait pas vu depuis longtemps, comme une tentative tardive de réconciliation, après des années d’abandon. Méduse était alors une adolescente rêveuse, le coeur aspirant à une romance digne des plus beaux films de cinéma.
Ils étaient si différent. Elle timide et rieuse, lui extravertie et mélancolique. Il était le grand frère qu’elle n’avait pas et dont elle avait très envie d’être fière, et elle, une funny valentine qui le faisait sourire. Méduse repense parfois à ces moments complices avec nostalgie, à ce temps où l’Eden palpitait encore sous sa chair fraîche.
Ils partageaient en secret une blessure commune, le non-amour d’Hades. Alors que le poète essayait de panser ses plaies, en plongeant avec lui dans les douleurs passées, Méduse se débattait au présent pour ne pas le laisser briser toute entière son identité et avec elle cette si précieuse confiance en soi.
Il fut le prince dont Méduse avait besoin pour survivre à l’épreuve, toutes ses libertés s’étant vues réduites comme peau de chagrin. Hades croyait parfaire son éducation en la cloitrant dans la tour du donjon, en forgeant son caractère au bâton de l’insulte, en imposant à son Univers sa pleine autorité. Les chansons de son poète de fils ont nourri ses soirées solitaires et réconforté un imaginaire avide, en panne d’inspiration à force de ne plus rien vivre.
Ca aurait pu être un joli conte de fée, mais l’aventure a tourné au drame l’année de ses 20ans. Méduse était alors étudiante aux beaux arts et enfin libre ! Sa vie était soudain devenue intense, et à son tour elle goûtait l’euphorie de l’artiste qui s’envole en des cieux merveilleux. Perdue entre illusions et surréalisme, dans les cendres du 11 septembre, elle n’y tenait plus, et eu besoin de confesser à son héro toute l’importance qu’il avait pour elle.
Il me faudrait écrire tout un roman pour confronter aux fables de Messina la subjective mémoire de Méduse. Parce que dans son souvenir, c’est un beau rateau (et non radeau) qui l’attendait au bout du fil. Persée venait sans le savoir de lui couper la tête ! Elle fut accusée de folie par Hades, incomprise également de sa propre famille divine. Fantôme de sa propre vie, bannie sur la terre des hommes, elle nagea longtemps à contre courant pour oublier cette tragédie.
Les lectrices qui ne sont pas spécialement fans du poète comprendront à présent que Méduse ne peut faire autrement que d’y faire référence souvent. Son chemin a croisé le sien à l’envers comme à l’endroit, aussi, après 12 ans de silence, de doutes et de questionnements, il lui semble temps de sortir de l’ombre, et, à l’instar de quelques figures bibliques, tenter de croire un peu mieux au bon sens de la Création.