Tu fus d’abord un chant — une veine claire,
un murmure entre sel et lumière.
Ton souffle, une saison, un pli dans le temps,
dans lequel se glissaient larmes et consentement.
Ce n’était pas un rêve,
juste une faille dans la sève,
un accord suspendu
dans la cage d’un refrain trop nu,
l’écho d’un instant retenu,
un vertige sans sol,
une note sans trêve.
J’ai vécu dix hivers à border mes élans
dans le grenier d’une intuition muette,
tandis que la raison, fière,
clouait les fenêtres au bois sec.
Les années ont creusé le décor,
et derrière les vitres embuées,
je voyais s’agiter les ombres,
ces bêtes bavardes aux dents de détail,
qui rampent dans des gestes trop pleins,
mais que l’âme refuse dans son écrin.
Tu m’invites à franchir des mondes,
Sans filets, ni ponts, ni secondes.
La rage commence là où l’espoir a trop attendu,
tous deux pris dans le vacarme des pas perdus.
A cette énigme dévorante, je ne cherche plus de sens,
derrière les faux reflets, demeurent des âmes trop vraies.
L’écho s’use quand l’autre se voile,
et la lumière pâlit sans étoiles.
Un seuil s’ouvrait peut-être à ses yeux,
un quai de scène, un faisceau précieux.
L’éclat offert n’est pas l’étreinte,
et l’on ne guérit pas par la feinte.
Si un fil reste à nouer,
qu’il se tende là où le souffle sait marcher.
Loin de l’ombre des symboles figés,
dans la densité d’un monde incarné.
Qu’un jour, ce vœu simple fleurisse :
non le rôle, mais la main.
Non le récit, mais la rive.
Non l’image, mais l’abri.
Là — sans bruit.