Je ne vais pas rentrer dans le débat écologique ou social, je le laisse à ma sœur Méduse qui saura mieux que moi apporter des opinions nuancées et des convictions claires.
Méduse : « Vous êtes trop bonne, ma divine ! Vous initiez tout de même le débat. Permettez que je donne également la parole à mes héritiers, les « Nouveaux Sauvages ». Une double lecture musicale pour faire valoir notre point de vue d’écorchés. »
C’est l’incohérence et l’ambivalence des motivations qui me pose question ici. Vous voulez tous construire un monde meilleur pour vos enfants et vous voulez tous profiter de l’instant. Même les actionnaires de Shell ou de Monsanto le souhaitent, ce qui ne les empêchent pourtant pas de participer activement et avec acharnement à la destruction de votre planète. Sans parler des motivations des grandes firmes, des lobbies ou de l’industrie des énergies fossiles.
Personnellement, je ne suis pas inquiète, je sais que tout ce paie et je les retrouverai bientôt, grinçants et trébuchants sur les charbons ardents de notre salle de pyrobatie. Imaginez bien que j’en ai vu passer quelques-uns, de ces rois d’un jour ; peu regardant sur le prix de leurs âmes et qui imploraient le pardon improbable d’un Hadés dans ces bons jours, bref !
Je constate que vous êtes incohérents, humain, chacun à votre niveau. Combien d’altermondialistes fument des cigarettes ? Combien d’écologistes convaincus prennent leur voiture chaque jour ? Etc. Les exemples ne manquent pas et, quelles que soient nos opinions sur la question, quelles que soient nos valeurs, nous passons tous des petits arrangements avec notre conscience. Ceci est humain et je ne blâme personne, c’est votre rapport au temps qui semble directement mis en cause. Vous avez beaucoup de difficultés à vous projeter émotionnellement dans l’avenir et vous vivez au présent, que ce soit dans vos errances, dans vos joies ou dans vos désirs.
Combien d’humain n’ai-je pas entendu se justifier avec des arguments fallacieux : « le monde de Dieu est tellement loin alors que nous vivons dans le monde des hommes ! » Minables !
Au fond, toute la question se pose en termes de capacité et de pouvoir. Pour les uns, on parlera de la limite du pouvoir d’assumer de nouvelles convictions. Pour les autres, on pourra évoquer une limite de capacité (à faire et avoir.)
« A l’impossible, nul n’est tenu.» Pourtant, vous avez tant de possible que cette auto dénigrement perpétuel est presque touchant.
On prête parfois des valeurs illusoires à la pauvreté qui donnerait plus de conscience et d’empathie, ce qui est faux. Les habitants des pays pauvres consommeraient tout autant et tout aussi mal que vous s’ils en avaient le pouvoir et vous ne seriez probablement pas moins égoïstes que les gros actionnaires de Shell si vous déteniez leurs actions et leur fortune. Quand à vos convictions, quoi qu’elles puissent être, vous n’êtes pas toujours à leur niveau. On assiste alors à ces discours moralisateurs que je vomis de tout mon être, des personnes qui n’incarnent pas ce qu’elles défendent, la gauche caviar…!
Vous pouvez beaucoup et il serait infiniment plus simple d’assumer vos convictions ou de ne pas les avoir, tout simplement. J’ai vu tellement d’humains qui n’incarnaient pas pleinement leurs idéaux, comme vous devez peiner à vivre chaque jour avec cette instance péremptoire !
Car les discours et les belles idées, c’est très joli, mais temps qu’elles ne s’inscrivent pas dans le réel par des actions, elles ne servent à rien. Or, vous vivez une époque où tout le monde a beaucoup d’idées, mais pas la capacité de les incarner sincèrement. Les heures et les jours passent avec des « il faut que… C’est inacceptable que… Je refuse … » Et puis rien, chacun reprend sa voiture, la clope au bec et regarde une série débile qui aura au moins l’utilité de faire oublier toutes les vaines promesses.
La vie continue.
Il faut dire que les convictions actuelles ont de l’ambition : sauver la planète, sauver l’humanité ! Rien que ça, un blog boster général, chacun étant le héros de ses propres motivations. Si je ne remets absolument pas en cause la noblesse de cette velléité, je dois pourtant avouer que cette naïveté me fait amèrement sourire tant elle demeure contre-productive.
A vivre avec ces instances comme des fantasmes de ce que le monde pourrait être, vous finissez par passer à côté de votre vie, à ne pas voir le miracle que chacun d’entre vous représente à lui tout seul. Vous êtes le résultat d’une myriade de miracles imbriqués mais vous n’y prêtez pas attention, trop occupé à deviser sur la pourriture de votre espèce. Croyez-moi, je connais ce qu’il y a de pire en vous et malgré tout, je vous aime. Profitez-en, je ne répéterais pas souvent !
L’objectif n’est pas atteignable, en tout cas, pas à l’échelle individuelle, nationale ou même, générationnelle, comme voudrait le penser Méduse, prisonnière du temps, comme vous. Les altermondialistes, les écologistes et autres adeptes de la contestation ont ce vilain défaut de vouloir manger une baleine toute entière pour le repas du soir alors qu’ils sont 3 pelés et 2 tondus à table… Impossible! Ils n’ont pas les moyens de leurs ambitions, aussi nobles soient-elles et beaucoup d’âmes de bonne volonté se découragent avant même de commencer. La Cause perd alors de nombreux talents qui se tournent vers les petites initiatives locales. Ils ont pour mérite de vivre en accord avec des convictions modérées et de transmettre, chacun à leur niveau des valeurs nobles et constructives : manger local, trier les déchets, récupérer l’eau de pluie, éteindre les lumières…
Le système tombera, pour sûre ! Les empires naissent, les empires vivent et les empirent meurent, le vôtre n’échappera pas à sa destinée. Lorsqu’on regarde l’histoire toutefois, en dehors des révolutions (qui voient naitre des systèmes encore pires que le précédent) c’est toujours un mastodonte qui en fait choir un autre. Seul un évènement majeur pourra réellement changer les choses et en attendant, toutes les petites manifs et les déjeuners débats ne sont que des pansements sur une jambe de bois.
Quels seront les dégâts occasionnés avant la chute ?Seront-ils réparables ? Ici aussi, on parle de capacité et de pouvoir : le pouvoir des hommes à prendre conscience individuellement de l’absurdité ambiante, le pouvoir des peuples à se reconstruire, le pouvoir de la nature à renaitre de ses cendres…