Qui n’a jamais pensé à une autre personne plus que de raison, qui n’a jamais déliré et fantasmé sur un autre idéalisé, cet autre qui pourrait, si seulement il le voulait, remplir toutes vos failles ?
Souvent, il y en a un qui morfle pendant un temps, et puis il se résout, il abandonne, il renonce dans un élan d’instinct de survie et la vie reprend ses droits. Mais certaines personnes n’y arrivent pas et le temps qui passe n’apporte pas l’oublie tant désiré. Celui qui a quitté votre vie n’a jamais été plus présent et l’obsession s’installe.
Causes, mécanismes, solutions… Le parcours torturé de l’amoureuse indéfectible.
Acte 1 :
« Qu’est-ce que j’m’ennuie ! Ce n’est pas que j’ai des problèmes, d’ailleurs, si j’avais des problèmes, je m’emmerderai moins. Je stagne, j’écoute pousser mes cheveux. Dans ma vie, les choses sont bien en place et je demande si cela va continuer ainsi jusqu’au jugement dernier. Je ne me sens plus en vie, moi qui suis pourtant habituée à relever des défis et à vivre des moments forts. Maintenant, tout est calme et j’espère en secret que quelque chose va venir mettre le bazar.»
La base d’une obsession amoureuse se construit avant la rencontre, dans le rapport que vous entretenez avec vous-même et avec votre vie. Souvent, elle se nourrit d’un manque, pas forcément affectif d’ailleurs, mais plutôt d’un ennui, d’une dissonance entre le rythme de vie souhaité et le rythme vécu.
Quand l’autre rentre dans votre vie, le rythme s’accélère, vous vous sentez à nouveau en vie (envie?)
Acte 2 :
« Je t’aime et je montre ce que j’ai de plus beau, de plus fort, de plus généreux. A tes côtés, je me sens vivre et je me découvre des qualités insoupçonnées. Tout me plait chez toi, même l’inacceptable. Mes sens sont décuplés, mon nez cherche ton odeur, ma bouche salive à l’idée de ton gout, ma peau s’éructe de ton toucher, ta voie est une musique mélodieuse qui me décrit les pays enchantés, mes yeux s’extasient de ta beauté. Rien ne manque parce que tu es là. La vie a enfin repris de sa vigueur, de son intensité. Je t’aime à en crever et Dieu que c’est bon !»
L’autre est un chemin qui ramène vers soi et la magie de l’amour illumine la source de vos trésors. La relation amoureuse, plus qu’une relation à l’autre devient finalement narcissique. Vous aimez votre reflet dans ses yeux. Il y a enfin du mouvement et de l’intensité dans les heures qui passent. Quand il n’est pas là, vous vous sentez seule et vous y pensez en permanence. L’angoisse de l’ennui et de l’abandon vous enserre le cœur. La moindre marque d’attention vous porte au septième ciel, le moindre silence est un signe de damnation. Amour anxieux, souvent possessif et pleinement exclusif, il occulte le monde qui continue de tourner, il vous isole et finalement le chemin lumineux s’assombrit peu à peu : vous êtes perdu, mais heureuse. Votre chimère captive comble votre félicité, mais cela ne peut durer et bientôt, il sort de votre vie, plus ou moins brutalement, plus ou moins proprement.
Acte 3 :
« Souvent, je te parle, mais tu ne m’entends plus. Je fais les questions et les réponses, j’imagine tes réactions ou tes opinions, où que j’aille, tu m’accompagnes. Ton regard et ton rire ponctuent mes jours et malgré ton absence, j’agis pour et par toi. Je sais que tous ces fantasmes sont le délire de mon imagination et de mes espoirs. Je sais que tu n’es plus là, que c’est dans d’autres yeux que tu souhaites te perdre, mais j’espère encore et toujours dans une fébrilité qui m’affaiblit. Si tu m’obsèdes, c’est parce qu’avec toi, je ne suis pas seule ; parce qu’avec toi, la vie a du sens et du gout. Au fil du temps, tu es devenu un ami imaginaire qui ponctue mes jours et qui peuple mes nuits. Si tu m’obsèdes, c’est parce que dans ton regard, j’existe. Je m’y suis noyée, je m’y suis perdue, je m’y suis blotti. Si tu m’obsèdes, c’est parce que tu es d’une meilleure compagnie que je ne le suis pour moi-même. »
La peine est le seul lien qu’il vous reste avec l’objet de votre obsession. Il ne répond plus à vos appels ou à vos mails, si vous le croisez par hasard, il vous évite. Le décalage entre les films que votre imaginaire stakhanoviste produit à la chaîne et la réalité se creuse. Vous créez un personnage, vous entretenez un espoir anxieux. Vous vous affaiblissez de jour en jour et vous tentez de garder la tête hors de l’eau, mais vous entretenez l’obsession. Le mécanisme est vicieux et s’alimente de lui-même. La tristesse et la colère s’installent, vous le cherchez partout et rien d’autre n’a d’intérêt.
L’obsession amoureuse a deux intentions positives. La première est d’entretenir le chemin vers soi que la relation a ouvert, la seconde est de cultiver l’intensité émotionnelle, quand bien même ce serait de la souffrance. Tout vaut mieux que la léthargie tranquille dans laquelle vous vous trouviez avant cette rencontre. Pourtant, il arrive bien un moment où vous devez faire face à la réalité : l’objet de votre obsession navigue vers d’autres horizons et vous êtes seule sur la rive.
La bonne nouvelle, c’est que vous avez le pouvoir de remplir les intentions positives de l’obsession sans lui.
Cette relation vous laisse, certes exsangue, mais surtout plus riche que jamais, et l’issue est proche…
Acte 4 :
« Je renonce à toi et à ma peine. Ce sera difficile et il y aura des rechutes parfois ; une musique, un endroit, une odeur me ramèneront parfois à toi et ma gorge se serrera et mon esprit s’embrumera, mais j’ai confiance. Je crois aux bienfaits du temps et de l’oubli. Bientôt, tu seras loin, au fond de ma mémoire et il ne tient qu’à moi que cette rencontre soit une base de vie meilleure. Toute cette peine n’aura pas été vaine, elle m’aura montré que je devais changer des choses importantes dans ma vie. L’heure et venue d’être libre de toi, d’être plus proche de moi. »
L’adage populaire dit « un de perdu, dix de retrouvés », mais évitez de remplacer votre obsession par une autre, car ce cercle infernal n’a pas de fin.
Pour abandonner sereinement cette relation, vous devrez trouver son principe actif :
Qu’avez-vous appris de vous-même ?
Qu’est-ce que vous aimiez en vous dans ses yeux ?
Renoncer est un terme désagréable, il évoque le dépouillement, l’abandon du désir et de la possession. La notion de renoncement dans l’inconscient collectif nous retire quelque chose, à regret. Pourtant, vous pourriez voir les choses différemment.
Vous avez du mal à renoncer, car vous êtes impliquée dans un espoir irréaliste, dans une illusion, une partie de vous le sait et en souffre. Cet espoir fantasque brouille vos perceptions, la réalité est déformée par ces lunettes infernales. Vos actions sont donc biaisées et vous n’investissez pas sur le bon cheval.
Quand vous êtes enfermée dans cette spirale, le renoncement est votre unique porte de sortie, le moyen de vous évader de votre prison. Le renoncement, c’est votre clef, votre Graal.
« Alors, merci pour l’info Sthéno, mais comment je fais, moi ? »
Vous avez deux voies royales pour renoncer sans trop d’effort à l’objet de votre obsession : soit trouver un projet, un défi, soit faire attention aux autres ; et les deux, c’est encore mieux !
Rappelez-vous, le mécanisme obsessionnel commence avant la rencontre et trouve sa source dans l’ennui, dans le manque.
Libre à vous de combler ce manque par ce qui vous anime, par ce qui vous fait vibrer, par l’expression de vos talents. Votre projet n’a pas besoin d’être exceptionnel, il doit juste vous ramener vers le plaisir et vers l’action. Artistique, social, mercantile, sportif, peu importe : utilisez votre intelligence et votre énergie pour autre chose que l’obsession.
L’obsession amoureuse isole et vous aurez besoin de revenir vers les autres pour puiser l’envie de renoncer. Au début, les autres vous sembleront fades et sans intérêts pour une raison évidente : ils ne sont pas lui. Forcez-vous à leur porter attention et peu à peu, il s’éloignera pour donner sa place à d’autres visages. Évitez de rentrer immédiatement dans une autre relation amoureuse, car vous pourriez répéter le même enchainement dramatique. Regardez les autres avec attention et bienveillance, gratuitement : offrez-leur votre attention, ils vous offriront l’oubli et le moyen de vous reconnecter à vous-même.
Chère lectrice, ne croyez pas que je viens ici en donneuse de leçon condescendante. Toute Sthéno puis-je être, j’ai aimé avec une puissance dévastatrice par le passé et cet itinéraire chaotique, je l’ai parcouru comme les limbes d’Hadès. C’est après être sorti des enfers que je vous raconte le chemin parcouru, alors je vous souhaite sincèrement du courage et de l’imagination pour que vous puissiez construire une vie où l’obsession n’aura plus jamais sa place.
Super texte…. . .. tellement vrai.