[plaintive ]: C’est qu’il me manque tu sais ?
[arrogante et lassée] : Comment l’ignorer… Malheureusement !
Comment peux-tu rester aussi froide, n’as-tu donc aucun cœur ?
Si, mais il n’aime pas la médiocrité.
Mon amour n’est pas médiocre, ma douleur n’est pas modeste, elle est belle et pure et noble.
Tu l’utilises comme des orties, pénitente criarde, tu te flagelles avec. Pourquoi te détestes-tu autant ? N’as-tu donc aucun instinct de survie pour te laisser happer ainsi par les affres du manque ?
Je ne me déteste pas, mais il est ma moitié d’âme.
Lui, semble vouloir vivre divisé alors, bancale, il avance plus surement.
Je sais qu’il n’est pas heureux sans moi, il reviendra, il faut que je tienne bon, il faut que je l’attende, comme ça, quand il reviendra…
[ la coupe ] : … tu seras exsangue.
Tes jugements me blessent, pourquoi es-tu si cruelle ?
[se radoucit] : Je ne suis pas cruelle, je tente de te réveiller de ce songe macabre. Tu regardes ta vie et ton temps s’écouler comme une rivière de larmes. La seule chose qui te lie à présent à l’objet de ton amour, c’est ta douleur, que tu chéris, que tu cajoles comme l’enfant qu’il ne te donnera jamais. Cette chimère n’est pas la vie, il y a tout un cortège de possibles, là, à portée de main, à portée de jour et toi, tu restes emmurée dans une fidélité dérisoire.
Quand bien même il aurait l’idée de revenir, il ne voudrait plus de toi. Regarde-toi, tu n’es plus que l’ombre de toi-même. Ce manque que tu nourris jour après jour ne te laissera que des os blanchis par l’acidité des embruns. Tu mérites tellement mieux que cela, tu es capable de tellement plus.
[ dans un souffle ] : Comment faire ?
Il te manque, ainsi soit-il, fais donc de ce manque une force, une motivation de chaque jour, et lorsque la providence le replacera sur ta route, tu seras irrésistible. Ce que tu aimes, ce n’est pas lui, c’est l’image qu’il a de toi alors devient cette image. Il te voit talentueuse, sensuelle, forte, joviale, incarne donc ces qualités et tu verras que bientôt tu auras retrouvé celle que tu étais, celle que tu aimes tant être, alors, tu n’auras plus besoin de ses yeux.
J’ai changé, j’ai perdu mes illusions et quelques espoirs …
Eh bien, choisis de te mentir. Ne dites-vous pas que si un mensonge est suffisamment répété, il devient une vérité ? Lorsque tu pleures, lorsque les sanglots ferment ta gorge, de ce petit ruisseau de souffle qu’il te reste, murmure : « Je vais bien, aujourd’hui est une belle journée. » Mensonge après mensonge, cela deviendra ta réalité.
Ce sera faux
Pas plus faux que cet amour que tu rêves, que cet attachement que tu crées à partir de rien. Tu as toi-même choisis tes chaînes, à toi de sculpter tes clés à présent. Que chaque instant de bien-être et de joie soit un Éden, que chaque bouchée soit un festin, que chaque infime satisfaction soit un bonheur. Autant tu auras mis de force dans la peine, autant tu en mettras dans la joie. C’est un choix que toi seule peut faire.
Mais… Je l’aurais perdu ?
Tu l’as déjà perdu, depuis le premier jour, c’est juste que tu refuses de l’accepter. Tu veux garder ta peine car c’est le seul lien qu’il te reste, mais ce lien te détruit, coupe le. Et s’il te manque, souviens-toi que toute création née d’un manque. Tu as le pouvoir de changer ta plus grande faiblesse en une force magnifique, qu’attends-tu pour t’envoler?