Comme une chimère captive…

Comme c’est bon d’endosser le rôle d’Alice, tombée dans la tanière du lapin, au pays des Merveilles ! Un être humain rêve, imagine, s’illusionne et vous aimez tant vous illusionner n’est-ce pas ? L’illusion est le soupir de la créature accablée par l’âme d’un monde sans cœur. Pour chaque inspire, une dose de fantasme ; pour chaque expire, un pas vers votre captivité. Je sais,  vous aimez le pays des rêves, vous y êtes tout-puissant, en proie à vos propres démons ou enchantés par vos chimères merveilleuses. Vos illusions, c’est du 100% fait maison : bio, une chaine de distribution raccourcie à l’extrême, directement du producteur au consommateur,  qui dit mieux ?

Tout être conscient se nourrit d’illusions. Il n’y a pas d’espoir sans une forme de mensonge et il n’y a pas de vie possible pour un homme sans espoir. Pourtant, je ne peux que constater que certains rêvent plus leur vie qu’ils ne l’accomplissent, que les illusions prennent la place des réalisations et que le retour au réel imprime sur la peau les marques indélébiles d’âpres morsures.

J’en connais une qui refusait de nourrir tout espoir, pour qui l’illusion était un déshonneur, elle en est morte ! Vous la connaissez probablement vous aussi, la petite Antigone :

« Nous sommes de ceux qui posent les questions jusqu’au bout. Jusqu’à ce qu’il ne reste vraiment plus la plus petite chance d’espoir vivante, la plus petite chance d’espoir à étrangler. Nous sommes de ceux qui lui sautent dessus quand ils le rencontrent, votre espoir, votre cher espoir, votre sale espoir ! »

4712260945188

Je l’aimais bien moi, la petite Antigone, elle me ressemblait un petit peu ; elle avait juste oublié qu’un être humain est faible par définition et que sans espoir, il ne peut survivre à sa propre condition.

L’illusion fait donc partie de vos besoins fondamentaux, mais à doses homéopathiques! Quand j’en vois qui s’en injectent par litres dans les veines, je me désole, car la came finit toujours par éteindre les souffles les plus vivaces.

De l’illusion oui, mais pas trop ! Quel est le bon équilibre, comment reconnaitre le moment où le remède se transforme en poison ? Toute la question se résume à cela et la réponse sera forcément singulière et mouvante, au fil des étapes de la vie et des individus. L’illusion  vous nourrit un temps puis elle vous coupe du monde et vous vampirise, ivre de sa propre puissance. La chimère captive devient vite un bourreau dont on peine à faire plier le bras puissant. Tout est question de ressenti, tout est question de cohérence avec le monde dont vous faites partie.

1924958722246

Si je simplifie les choses, je dirais qu’il y a deux étapes pour bien vivre sa vie : la rêver puis l’accomplir ; la seconde étant l’aboutissement conscient, construit et besogneux de la première. Vous êtes nombreux à penser qu’il faut choisir un camp et vous êtes nombreux à avoir tort. Certes, vous êtes naturellement plus doué pour l’un que pour l’autre ; mais vous ne devez pas choisir. Une action juste, porteuse et habitée se nourrit de rêves et d’illusions. Un espoir doit trouver des réponses concrètes dans des actions volontaires, il doit se confronter à la réalité froide et factuelle.

Tout l’enjeu étant de trouver le bon moment pour faire la bascule du rêve à la réalité.

L’esprit embrumé par les vapeurs du sommeil, le plan est confus et vous traineriez bien encore quelques minutes dans la douceur chaude de vos draps, mais le réveil a sonné, il est temps de se lever et d’agir avec justesse. Pendant un temps, quelques minutes, quelques jours ou quelques mois, les illusions vous font du bien et l’espoir vous permet de construire votre rêve, de le renforcer, de lui donner vie : vous prenez confiance et c’est très bien ainsi. Cette confiance et cette motivation vous seront bientôt nécessaires pour faire face à la réalité,  avec ces creux, avec ses bosses.

2448951004725

Mark Twain disait : «  c’est parce qu’ils ignoraient que c’était impossible qu’ils ont réussi.» Les rêves et les illusions sont nécessaires à toute réalisation. Mais, le moment arrive où elles vous freinent et vous le sentez quelque part : vous n’êtes pas en phase avec les informations de votre environnement. Vous savez que vous êtes à côté et c’est à cet instant précis que vous devez switcher, c’est à cet instant précis que vos illusions commencent à vous desservir et à vous emprisonner dans une vision dont il sera de plus en plus difficile de vous défaire. Quand vous ne parvenez pas à reconnaitre ce moment, que vous refusez de le voir, vous vous engluez dans une dynamique destructrice. Coupés de la réalité, vous continuez à nourrir la bête qui vous dévore. Moins vous avez de force, plus vous avez besoin de garder vos illusions… And so on…! Alice au fond du puits, la tête sous l’eau.

Pour apprendre à reconnaitre le moment précis, il n’y a pas de sonnerie, pas de réveil fixé la veille, mais une acuité personnelle à développer au fil du temps. Lorsque vous commencez à ressentir un léger malaise, il est temps de se poser les bonnes questions :

       
Que pourrais-je penser d’autre à ce sujet ? 

      Qu’est-ce qui me prouve de façon factuelle que cette idée est exacte?

                    Ai-je des preuves tangibles de cette croyance ? 

Si cela peut vous aider, faites-le par écrit, avec quatre colonnes : «  Ce que j’ai envie de croire », « ce qui prouve concrètement cette croyance », «  ce qui n’est pas prouvé », « ce qui prouve que je me trompe ».

Je vous souhaite un bon réveil…

Leave a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *