Il y a des amis qu’on abandonne. On les laisse fuir, on s’échappe de nous-même. Pour ne plus voir le reflet que nous renvoie leurs pupilles désapprobatrices. Alors vient le jour où nous ne sommes plus là lorsqu’ils en ont besoin. Incapables de penser à autre chose qu’à nous-même.
Et puis, à côté, dans les rues, les trains, au détour de jardins publics, on croise le regard d’inconnu.e.s, des pupilles tristes cette fois. Ou bien pleines d’envie, d’espoir peut-être. Et pendant un fragment de poussière de millénaire, on sait. On sent. Que le porteur d’étincelles n’a qu’à claquer ses doigts pour que l’on décide de le suivre partout, « jusqu’au bout du monde ». Ailleurs surtout.
Les Hommes sont lâches. Ils attendent l’Autre pour provoquer leur destin. Cette vie fantasmée qui leur semble si irréalisable.
Le cœur ou la raison. Le premier choix apparaît si incertain que l’on préfère se laisser porter sans rien décider. Nous nous laissons vivre, un fleuve sans tumulte. Plus tard, nous finissons alors par aller retrouver nos vieux amis et regretter. Quoi ? Nous ne le savons pas précisément.
On regrette, je crois, ces milliers d’infimes possibilités « d’autre chose » meilleures, plus belles ; ces centaines d’hypothétiques « nous » du lendemain plus heureux et plus libres. Et nous attendons encore. Celui ou celle qui viendra nous sauver de cette ennui insatiable, sans savoir encore que nous ne pouvons trouver cette force qu’en nous-même.
Dis, tu y crois toi ?
A cet autre chose ?