Lettre ouverte

Méduse, je t’ai connue il y a longtemps, et tu n’as jamais complétement quitté mon horizon, bien que je ne t’ai plus jamais rencontrée. Je savais que tu existais et ta quête me concernait.[…] Tu es une grande voyageuse au service du Tantra et plus précisément une grande prêtresse du Tantra. Je dis cela avec beaucoup de respect, car il s’agit d’un courant initiatique qui traverse bien des traditions et bien des époques et qui transporte une énergie libératrice de haut niveau.

Je connais cette tradition dans mon esprit et dans ma chair et je n’ai fait que la retrouver, je continue de la découvrir. Sa force, sa lumière, sa chaleur et son mystère m’habitent à cette confluence où émission et réception ne font qu’un. Je te connais la même intuition et je suis très attentive à ce que tu en as fait. Avec constance et obstination tu t’es guérie des blessures de l’enfance, de l’adolescence, de la société, des parents et des hommes, des femmes aussi, et tu as perfectionné ta voie jusqu’à pouvoir transmettre ce message tellement important qui nous libère du judéo-christianisme et du sexe honteux : l’énergie sexuelle est sacrée !

Une nouvelle race d’écrivains est née, ceux qui ne se contentent plus d’écrire et de parler, mais qui témoignent par leur mode de vie et par leur engagement total. Ils font passer un message éducatif, socratique, dynamique. Ils ouvrent la voie, ils sont sur le terrain, ils théorisent à partir de la pratique, la leur et celle de ceux à qui ils tendent la main, échelon après échelon sur l’échelle de Jacob. Je rends hommage à cette authenticité de ceux qui se sont engagés sur une voie de recherche spirituelle et qui en partagent joyeusement les fruits. Notre époque est merveilleuse parce qu’elle se débarrasse lentement mais sûrement des scories destructrices des modes obsolètes de pensée.

Chère Méduse, je te vois comme quelqu’un qui avance sans fallir sur la voie qui était la tienne et je me demande si tu sais à quel point ce monde tel qu’il est a besoin de gens comme toi. Malgré tant de tabous levés, malgré le culte du corps et l’affirmation du droit au plaisir, le sexe reste majoritairement lamentable, honteux ou compulsif dans la civilisation occidentale et sur la planète en général. Au mieux, il est voué à la reproduction et il crée une menace de surpopulation. Au pire, il transmet une maladie encore incurable et il retrouve en peur de la mort ce qu’il a perdu en peur de l’enfer. Toi qui parles de l’Art de l’Extase par la montée consciente de l’énergie sexuelle, tu fais partie d’une infime minorité, mais tu es un guide pour l’humanité. C’est toujours par l’action des minorités que les majorités évoluent. […]

Les clés sont là, mais encore faut il les faire tourner dans la serrure. Chaque être humain porte au fond de lui une étincelle venue de l’enfance qui « sait » que la sexualité est un feu puissant de révélation, d’épanouissement. La connaissance et la volonté prennent le relais là où l’instinct et l’intuition ne fonctionnent plus suffisamment pour permettre l’éclosion et la maturation de l’être. Il faut ré-apprendre à se nourrir correctement parmi les troubles de l’abondance. Il faut ré-apprendre à s’aimer soi-même et à aimer l’autre dans le vide sans fin crée par l’écroulement des valeurs du christianisme. D’autant que des valeurs plus cachées continuent d’agir dans le même sens de répression, consensus moraux hérités des parents et de l’environnement qui ne disent plus leur nom. Le sexe reste tabou en pratique quand il ne l’est plus en théorie.[…]

Le problème sexuel de la société m’apparaît parfois comme une cocotte-minute sous une énorme pression. Tu fais partie de ceux qui soulèvent le couvercle et qui contribuent un peu à atténuer la pression de cette zone. Tu dis que chacun peut redécouvrir la dignité, la noblesse joyeuse de son énergie, de vivre le sens de la verticalité, de l’élévation, de l’unité et de l’amour inconditionnel. Nous sommes déjà des centaines et des milliers à le dire sur la planète. Est il possible que l’ensemble de la civilisation accède à ce niveau d’expérience et d’échange, à ce niveau de conscience ?  Pouvons nous espérer que cette connaissance se généralise ?

La conscience collective n’a pas encore tiré la leçon des théories de Freud et moins encore de celles de Jung, même si elle semble en avoir intégré les principes. En te lisant, je me disais que bien peu de gens se préoccupent de gérer leur énergie et d’apprendre comment la respiration faisait la jonction entre le corps et l’esprit. Beaucoup de gens ont des intérêts et des joies créatives, pourtant rares sont ceux disposés à considérer leur vie comme un art à part entière, à faire de leur corps un instrument de grande précision, à entrer dans la sensation, à apprivoiser, à cultiver, à raffiner la sexualité. C’est pourtant là que se situe le centre rayonnant de la joie de vivre.

Toi tu l’as bien compris, tu ne gaspilles plus une miette de ce qui est possible; j’espère que tu rencontres des êtres à ta mesure, des enfants cosmiques qui jouent avec toi dans le grand rire du Oui ? Bien sûr tu les rencontres et tu les aides à accoucher d’eux-mêmes en digne représentante de cette grande déesse-mère qui ressurgit après tant de millènaires d’enfouissement. La femme solaire qui permettra à la civilisation d’intégrer les valeurs féminines ne peut être qu’une femme qui a pris conscience du pouvoir sacré de son sexe et qui brille à partir de ce feu qu’elle fait monter sur le plan du coeur et du mental.

Le décalage de longue date entre l’homme et la femme, vus comme deux races distinctes, disparaîtra encore plus vite s’ils peuvent partager une véritable intimité, développer sans honte leur sensibilité, jouer ensemble des accords qui révèlent le meilleur d’eux-mêmes. La connaissance et la pratique de leur royauté sexuelle leur permettront de manière décisive de se ressourcer dans une confiance différente. L’homme intérieur et la Femme intérieure dessinent les lignes d’une civilisation androgyne, allègre et joyeuse.

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