Lettre à Lorelei

On est, je pense, toujours, à la recherche d’un idéal. Je ne sais pas pourquoi. Sûrement pour se prouver quelque chose à soi, à sa mère, ou à son chien. Enfin, je sais pas. Mais c’est sûrement pour se prouver quelque chose, qu’on est beau, fort, intelligent. Ou un autre de ces adjectifs à la mort moi le noeud qu’on égraine au fond des bouteilles de whisky.

Alors oui, moi, Lazlo, je cherche mon idéal. Ce con est dur à trouver. Il doit être caché, c’est ce qu’on se dit tous. Au fond du bar. Au fond de la classe. Bien au fond de nos souvenirs. On l’a peut-être déjà vu passer après tout, qui sait. Tu sais, tu vois ce que je veux dire ? Le cliché de la fille ou du gars qu’on rate car on a pris le tram d’après ou alors parce qu’on a pas été se balader Tu vois ce que je veux dire, ouais. Je sais bien que tu le vois. Je te dis ça à toi Lorelei, mais après tout je le dis aux autres. Ouais, t’es peut-être pas la seule à lire ces putains de lignes que j’écris dans mon lit à une heure imbue de la nuit. Au moment où je regrette de finalement pas avoir gardé une clope dans le paquet que je t’ai achetée. C’est sûrement parce que t’en as plus besoin que moi, de cette clope. Et j’ai même plus le whisky de June, finie la bouteille qu’elle m’avait offert il y a de ça des années, déjà des années. Je garde la bouteille vide au placard, comme un souvenir, un souvenir oublié, car on était encore trop bourré.

Je sais que tu comprends ce que je veux dire là aussi, tu gardes tout, tu m’avais confié ce penchant un peu psychorigide, mais moi je trouve ça mignon. En fait, y’a pas mal de choses que je trouve mignons chez toi, tout pour ainsi dire. C’est peut-être pour ça que je parle d’idéal, même tes défauts me font marrer, et Dieu sait que t’en as, morue. Mais bon, je passe outre, ma petite loutre.

Alors on verra si je me trompe, ou pas. Bah ! Si c’est le cas y’aura encore un bouquin, qui racontera comment tu m’as abandonné de façon larmoyante, comme Lula, June, Léa, et peut-être Aline, avant toi. Ouais, si y’a un nouveau bouquin dans la même veine, avec les rimes, les injures et tout le tintouin qui fait croire qu’on peut vendre avec ça, si y’a un nouveau bouquin Lorelei, et bah c’est que finalement tu étais comme toutes les autres. Que tu étais une fille, tout simplement, alors que moi je te vois comme bien plus que ça. Bah nan, t’es pas une fille, puisque t’es mon idéale. Tu suis un peu, poupée ?

La première fois c’était en Avril, depuis, toutes les nuits, ça recommence. Quoi qui recommence ? Bah que je pense à toi, merde. Avant je pensais aux autres, maintenant c’est à toi, c’est comme ça. Va pas penser que tu passes après elle. Elles sont justes passées avant toi. T’aurais dû les doubler, c’est de ta faute, après tout. Alors montre-moi que j’ai pas écrit tout ça pour rien, bel ange. Toutes ces pages où je les traite de tous les noms pour les crasses qu’elles m’ont fait, dis-moi que tu les as compris. Elles m’ont quitté, ouais, ça arrive me diront tous les gens sensés. Mais moi je ne le suis pas, je suis un chapelier, un joker, tu vois le genre. Alors si même se faire quitter c’est peut-être normal.

Hugo BLIN