Triste clown

 

Je suis détruit, fatigué, épuisé, bien trop usé
Par cette vie qui m’a tout pris, par cette vie qui m’a tué
Le corps vieilli, au ralenti, qui ne peux que courber le dos
Le cœur meurtri, l’âme salie, je suis épave, je suis lambeau
Moi qui n’ai jamais cessé de croire encore qu’il existait
D’autres façons d’y arriver, d’autres chemins à emprunter
Loin du malsain des villes grises, des petits rois qui nous méprisent
Puisque nous ne sommes que bétail dans les auges de leur marmaille
S’il faut se battre plus que raison alors honnêtement à quoi bon
Fouler ce bitume immonde qui obscurcit les horizons
Si vivre ici n’est que souffrance dès que s’envole l’enfance
Qui peut me dire ce qu’on fait là, où est la raison dans tout ça
Moi je suis las de tout ce cirque, moi le clown triste qui sanglote
C’est la débâcle du spectacle, baisser rideau, fermer les portes
Alors je tire ma révérence en emportant dans ma valise
Quelques restes d’espérances et de rêves qui agonisent
Je n’ai plus l’âge des folies, des rencarts au creux des hanches
De ces putains de boites d’ennuis, des bagarres et des nuits blanches
Des alcools qu’on dit festif, des pornos sur les écrans
De lutter dans les manifs contre la connerie des gouvernants
Je suis vieillard comme ils disent, et je n’ai plus le cœur à rire
Là sur les marches de l’église, je l’aurais plutôt à maudire
Lever le poing, gueuler ma haine contre les hommes et les dieux
Mais je ne dis rien, ce n’est pas la peine, plus personne n’écoute les vieux
Puisque ma vie est derrière moi, et qu’il ne reste que le grand saut
Pour rejoindre ces gens là, qui s’en sont allé tout là haut
Ceux là que j’aimais plus que tout, bien plus que ma pauvre carcasse
Qui savait redonner du goût à cette vie fade et dégueulasse
Et si le ciel veut bien de moi, moi le clown triste un peu colère
S’il y a de la place pour mes grimaces, pour ma démarche de travers
J’embarquerais bien cette nuit en emportant dans ma valise
Ce qui me reste de folies, ce qui me reste de bêtises
En attendant je passe le temps assis là juste aux pieds des cieux
Et je regarde tourner le monde là juste devant mes yeux
J’irais peut-être un peu plus tard, traîner ma peine dans le square
Squatter un banc tout en donnant un peu à bouffer aux canards
Et puis je rentrerais chez moi, lorsque soleil s’en ira loin
Et que la lune à son tour viendra éclairer mon chagrin
Je lancerais de mon balcon les quelques millions de ballons
Que je gonflais de jours en jours pour égayer mon horizon
Je suis détruit, fatigué, épuisé, bien trop usé
Par cette vie qui m’a tout prit, par cette envie de me tuer
Le cœur vieillit, au ralentit, qui ne peux battre plus longtemps
Le corps meurtrit, larmes de pluie, je suis liberté à présent
Je vous quitte cette nuit, moi le clown plus vraiment triste
Je m’en vais au paradis, au paradis des artistes
La valise pleine de bêtises, de folie, de rêves et d’espérances
Rouvrez les portes, levez le rideau, que le spectacle commence